Éditorial | 15/07/2024

Et si la politique de la France se faisait autour de la Corbeille ?

Cogefi Gestion

La lettre de Gestion Privée - juillet 2024

La Politique et la Bourse n’ont jamais fait bon ménage, la première se méfiant de la seconde, cette dernière n’aimant ni l’incertitude ni les revirements générés par la première. Pour autant l’histoire nous montre que les deux savent cohabiter.

Nombreuses sont les petites phrases assassines d’hommes d'État sur la Bourse : de Napoléon en 1813 « Si la Bourse est mauvaise, fermez-là !» à Edith Cresson en 1991 « La Bourse ? Je n’en ai rien à cirer », en passant par Vincent Auriol en 1937 « La Bourse je la ferme, les boursiers, je les enferme ».

Pour autant, dans une économie de marché, la Bourse fait partie de la panoplie d’outils nécessaires à un État et aux entreprises. Le premier y recourt pour financer sa colossale dette en émettant des emprunts d’états. Les secondes y financent leur développement en cotant une partie de leurs actions. Dès lors, au-delà des discours de posture électoraliste souvent surjoués par les partis populistes, la réalité s’avère souvent plus policée. Les gouvernants s’adressant aux investisseurs, sont conscients que, sans financement, aucune politique n’est possible, ni promesse électorale tenable.

On a pu observer dans l’histoire politique contemporaine que, lorsqu’ils accèdent aux plus hautes fonctions, les dirigeants s’empressent de rassurer la communauté financière sur le fait qu’ils respecteront les adhésions aux traités et qu’ils assureront les engagements pris auprès des institutions internationales. Tel fut, par exemple, le cas de Lula en 2002, premier président socialiste élu au Brésil et qui n’était pas le candidat favori des marchés. Plus proche de nous, Giorgia Meloni, anti-européenne convaincue, propulsée présidente du Conseil italien s’est rapidement présentée comme une interlocutrice constructive à Bruxelles !

De la même façon, pour donner des gages de sérieux, voire de rigueur budgétaire, les gouvernements nommés à l’issue des élections affichent très souvent une personnalité reconnue publiquement en tant que ministre de l’Économie. L’ultralibéral Paulo Guedes choisi pour rassurer les milieux économiques après l’élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro au Brésil en 2018 en est une illustration. Tout comme Jacques Delors, ministre des Finances de 1981 à 1984 dans les gouvernements de Pierre Mauroy.

Au-delà des réactions épidermiques des premiers jours suivant les votes, on constate que les marchés corrigent leurs excès d’humeur rapidement. Ainsi, les fortes baisses au lendemain du « non » danois au référendum de Maastricht (1992) ou après le vote en faveur du Brexit (2016) étaient effacées puis dépassées en quelques semaines. Même parcours après l’élection de Giorgia Meloni avec, en prime, une bourse italienne en hausse de 28% en 2023 (16.5% pour le CAC40). En France, alors qu’au lendemain de l’élection de François Mitterrand (1981) la plupart des titres étaient incotables, le reste du premier septennat socialiste a vu les actions progresser de 250%, et même de 450% à l’issue de son second mandat en 1995.

Il faut dire qu’entre le programme annoncé parfois disruptif et celui réalisé, le grand écart peut s’opérer. Ainsi en 2015, lorsqu’Alexis Tsipras, leader de Syriza (parti de la gauche radicale grecque) accède au pouvoir, il affiche un programme anti-austérité. Il poussera son pays à la porte de sortie de l’Euro et jusqu’au défaut de paiement. Puis, faute de financement, il négociera rapidement un inédit plan d’aides en échange de nouvelles mesures budgétaires restrictives.

Si le Général de Gaulle déclarait en 1966 « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », force est de constater que l’endettement croissant des états limite désormais sérieusement la capacité de mise en œuvre de programmes politiques s’éloignant fortement et durablement des règles de bonne gestion. Un garde-fou rassurant pour cette nouvelle séquence politique française !

 

Rédigé le 10 juillet 2024